Bang bang, l’art pour cible !

Cibles anciennes dans le décor du Musée (Photos VA)

Exposition originale au Musée de la Chasse et de la Nature à Paris. Saviez-vous que pendant des siècles, les sociétés de tir européennes ont organisé des concours dont l’enjeu consistait à tirer sur une cible minutieusement décorée ? Après les épreuves, ces cibles peintes criblées de balles étaient souvent offertes en trophées aux vainqueurs de la compétition. Le Musée présente une cinquante de cibles anciennes, principalement conservées dans les musées de Croatie. Elle confronte ces créations de la culture populaire à des œuvres récentes utilisant le motif de la cible ou se référant à l’acte prédateur du tir.

« La récompense », vers 1840, Musée de la Ville de Zagreb. Photo VA

Liée à l’essor des villes, la pratique du tir sur cible peinte se développe en Europe occidentale dès la fin du Moyen-Âge. Elle s’éteint en France à la Révolution avec l’interdiction des corporations, mais se poursuit dans les territoires de cultures germaniques comme la Croatie jusqu’à une période proche. Ces cibles d’honneur sont décorées d’une grande variété de motifs et sujets polychromes par des artistes anonymes. Scènes de genre ou d’histoire, figures allégoriques, mythologiques ou héraldiques sont accompagnées de légendes ou d’inscriptions parfois ambivalentes. Les peintres de cible ne manquent pas d’humour. Ils proposent aux tireurs d’exercer leur talent sur des paysages idylliques, voire de transgresser les tabous en tirant sur des chambres d’enfants ou les propres membres de la confrérie.

Marija Ujevic Galetovic, « Target » (détail), 1979, Musée d’art contemporain de Zagreb (photo VA)

Les œuvres contemporaines exposées dans le musée témoignent de la vitalité du thème du tir dans la création actuelle. Les plus emblématiques sont deux peintures de Niki de Saint-Phalle, Portrait of my lover et Tir, où l’artiste exprime sa révolte contre un père incestueux. Ces œuvres ont pris forme dans un happening violent et joyeux, après que les spectateurs aient tiré à la carabine ou aux fléchettes sur elles. L’artiste confiait ainsi : « C’était une sensation étonnante de tirer sur un tableau et de voir comment il se transformait lui-même en un nouveau tableau. C’était excitant et sexy, mais tragique en même temps, car nous devenions, dans le même moment, les témoins d’une naissance et d’une mort. »

Exposition « Cibles » jusqu’au 31 mars 2013, Musée de la Chasse et de la Nature, 62, rue des Archives, 75003 Paris. Ouvert de 11 h 00 à 18 h 00 tous les jours sauf les lundis et jours fériés. Nocturnes les mercredis jusqu’à 21 h 30.