Wanted !, une chasse aux trésors très particulière au Grand Palais

Wanted ! L’expression nous rappelle les films de cow-boys américains. Elle s’étalait en gros caractères noirs sur les pancartes offrant une prime pour la capture, morts ou vifs, de bandits de grands chemins.

En cette fin octobre 2020, le célèbre galeriste Emmanuel Perrotin remet le mot au goût du jour. Une belle affiche jaune pétant livre le nom de 20 artistes. Ici, pas de chasse à l’homme, mais une chasse aux œuvres d’art un peu particulière.

En partenariat avec la Réunion des musées nationaux, le galeriste, toujours très bon communicant, a investi le Grand Palais pendant le week-end où devait se tenir la FIAC. La foire ayant renoncé à sa grand-messe pour cause des contraintes covidesques, Emmanuel Perrotin a eu l’idée d’un jeu amusant. Pendant deux jours, il a caché dans le bâtiment vide vingt œuvres d’artistes de sa galerie d’une valeur de 1 000 à 40 000 euros. Les participants au concours doivent découvrir les cachettes. S’ils trouvent une œuvre, ils repartent avec. Tentant non ?  

La participation est gratuite, mais accessible uniquement sur réservation. Six sessions de recherche d’une heure sont organisées sur chaque journée. Ayant eu la chance de participer à l’une d’entre elles, voici mes impressions de chasseuse d’œuvre d’art !

Wanted ! À la recherche de l’étoile d’or

Inscrite à la newsletter de la galerie Perrotin, je reçois le 15 octobre un mail m’informant de l’événement. Intriguée, je m’inscris très vite. Bien m’en prend, car quelques jours plus tard, toutes les places sont distribuées. L’événement s’annonce un succès.

J’ai donc ma place pour le samedi 24 octobre à 14 heures. Devant l’entrée du Grand Palais, une affiche présente les 20 œuvres à découvrir. Parmi les artistes qui ont accepté de jouer le jeu : JR, Takashi Murakami, Laurent Grasso, Bernard Frize, Klara Kristalova…

En arrivant sur les lieux, je tombe sur Emmanuel Perrotin en grande discussion sur son portable. Je patiente, et dès qu’il est disponible, j’en profite pour le photographier devant le bâtiment. Une connaissance du galeriste approche et essaie de lui soutirer des informations. « Emmanuel, donne-moi un indice s’il te plait… » Refus amusé de l’intéressé.

C’est un jeu, mais c’est du sérieux !

Après avoir franchi différents contrôles, me voici dans le Grand Palais. Plus d’une centaine de personnes attendent derrière un long cordon de sécurité. Une hôtesse nous passe les consignes de sécurité au mégaphone. Pas le droit de courir, de toucher aux caissons électriques, de se rendre dans les étages.

Si l’on trouve l’œuvre, on reste à côté d’elle et on appelle un médiateur. Si plusieurs personnes la découvrent, un petit questionnaire départagera le vainqueur. Attention, si un participant ne respecte pas les consignes, il sera exclu. Une corne de brume désigne le début de la chasse, un second signal sonore en annonce la fin. Lors de cette session, deux œuvres sont cachées. Il peut s’agir des originaux ou bien de reproductions…

Un coup de corne de brume, les jeux sont ouverts. Les médiateurs ouvrent les cordons de sécurité. La foule s’éparpille dans tout le Grand Palais. La majorité des visiteurs allant sur la gauche, je décide d’aller sur la droite. Je suis en quête d’un petit papier plié (une photocopie des œuvres en question)… Je me dis que les organisateurs ont dû complexifier la chasse en ne mettant pas d’œuvres en volume.

Les participants de Wanted à la recherche du trésor
Les participants de Wanted à la recherche du trésor…

J’examine les piliers en fer, je ne trouve rien. Soudain, une sonnerie, puis des applaudissements retentissent. Une première œuvre a été trouvée. Mauvaise pioche pour moi : cela se passe sur la gauche. Quelques minutes plus tard, autre sonnerie, des applaudissements, la deuxième œuvre a été trouvée. Encore sur la gauche ! Pas de chance. Un coup de corne de brume résonne dans l’immensité du Grand Palais. La chasse se termine après 10 minutes ! C’est bien trop rapide !

Qui sont les gagnants de ce Wanted ! ?

Intriguée, je décide d’aller vers un attroupement. Une découvreuse de trésors est là. Elle se tient à côté d’une personne du nettoyage, sa découverte dans les mains : une sculpture en étoile de mer des artistes Elmgreen & Dragset.

La chanceuse s’appelle Véra. « Je suis venue ici par curiosité avec mon compagnon, galeriste. J’étais complètement détendue. J’ai vu cette femme de ménage qui ne semblait pas très concentrée sur son travail. J’ai trouvé ça bizarre. Je me suis penchée sur son matériel de nettoyage. Et j’ai vu cette étoile dans le seau. » C’est sa première œuvre d’art contemporain. Elle est ravie de sa découverte. « Elle est très jolie. J’en suis très fière. »

L’autre découvreur est déjà sur la coursive du Grand Palais en train de faire emballer son œuvre : un dessin à l’encre de GaHee Park, intitulé Daydream. Il s’appelle Alex et m’explique. « Je suis venu avec ma compagne, journaliste. J’étais aussi curieux de voir l’espace vide du Grand Palais, car je suis architecte. Je me suis dirigé vers le centre du bâtiment. Et j’ai vu ces portes sur le côté. Des personnes ont ouvert une première porte, il n’y avait rien. Comme personne n’ouvrait la seconde, je l’ai fait et j’ai trouvé la peinture. Avec ma compagne, nous avions déjà quelques œuvres d’art, mais pas de cette importance. Je ne connaissais pas vraiment cette artiste, mais avant de venir, j’étais allé sur le site de la galerie et j’avais regardé les univers de chacun. Je suis très content de ce hasard. »

Voilà donc deux visiteurs contents. La centaine d’autres l’est un peu moins. Quant à moi, j’aurais aimé plus de suspens dans les recherches, que le jeu soit plus difficile. Mais je trouve qu’une telle initiative est très bienvenue dans cette atmosphère plombée…


Et en guise de conclusion, ces quelques mots d’Emmanuel Perrotin…

« Dans cette période de grande incertitude, j’ai eu cette idée à contre-courant. Puisque nous ne savons pas où nous allons, tout est permis : pouvoir mener des projets fous pour se sentir encore vivant. Je suis heureux que les artistes que j’ai sollicités aient accepté de participer à ce projet inédit. Les œuvres d’art sont plus que jamais précieuses, c’est pourquoi il est important de les offrir au plus grand nombre. Je tiens à remercier les artistes et les équipes de la galerie qui m’accompagnent dans cette folle aventure avec toute leur énergie, alors qu’ils sont mobilisés sur de nombreuses autres expositions. »