Martin Bruneau, peintures fragmentaires

Comment appréhender la peinture ancienne quand on est un artiste contemporain ? De quelle manière évoquer les grands maîtres sans tomber dans la facilité ou l’hommage vain ? Martin Bruneau, peintre canadien installé en France depuis plusieurs années, a fait de cette interrogation un leitmotiv de son œuvre. Dans le passé, il s’était inspiré de Goya, de Cranach, de Courbet… « J’ai débuté mes études universitaires dans le département d’histoire. Cette expérience a influencé ma perception de l’art. Ensuite, quand j’étais étudiant en art, dans une scène artistique où on ne cessait de répéter la mort de la peinture, je me demandais pourquoi les musées étaient de plus en plus fréquentés et ce qui faisait que la peinture qu’on y trouvait était valable et non celle qui se faisait aujourd’hui. Cela m’a amené à me demander ce qui définissait une “peinture”. Mes lectures en phénoménologie et en sémiologie ont ensuite nourri et orienté ma pratique », expliquait Martin Bruneau dans le catalogue de son exposition à l’Abbaye de Maubuisson en 2008. En cette fin d’année 2014, l’artiste entraine le spectateur dans une traversée ayant pour origine le Radeau de la méduse de Géricault. Il présente une série d’une dizaine de tableaux à la galerie Isabelle Gounod. Le radeau construit par les naufragés y est absent. Demeurent les corps dont Bruneau a conservé les positions et les mouvements. Il zoome sur certains détails, en élimine d’autres, entoure les fragments de chairs de peinture vive brutalement appliquée à la brosse. La couleur s’ingénie à neutraliser, à contrarier la dimension narrative de la toile. L’artiste juxtapose univers abstrait et figuratif, nuance et violence. Il propose une expérience esthétique originale. En mettant le sujet à distance, il explore ainsi les mystères de l’acte créatif.

Bruneau Isabelle Gounod

Une vue de l’exposition de Martin Bruneau à la galerie Isabelle Gounod.

Œuvre en-tête

Martin Bruneau, Groupe fond rouge et noir, 2014, huile sur toile, 150 x 150 cm (détail)

Infos

Martin Bruneau « Fragments », du 8 novembre au 17 janvier 2015. Galerie Isabelle Gounod, 13, rue Chapon 75003 Paris www.galerie-gounod.com